vendredi 20 octobre 2017

« ET IN ARCADIA EGO »

« ET IN ARCADIA EGO »

"Moi, la mort, je suis aussi en Arcadie."

 

Autoportrait de Nicolas Poussin

Nicolas Poussin, né au hameau de Villers, commune des Andelys, le 15 juin 1594, mort à Rome le 19 novembre 1665, est un peintre français du XVII ème siècle, représentant majeur du classicisme pictural. Actif aussi en Italie à partir de 1624. Peintre d'histoire, compositions religieuses, mythologiques, à personnages, ou encore de paysages animés. Il fut l'un des plus grands maîtres classiques de la peinture française, et un "génie européen", comme le rappelle l'exposition Nicolas Poussin de 1994 à Paris, à l'occasion de la célébration du quatrième centenaire de sa naissance. (source : encyclopédie en ligne wikipedia)


Le Guerchin, Et in Arcadia ego (1618)

'Et in Arcadia ego" est une expression inventée par Virgile et utilisée au 17ème siècle en Italie pour exprimer, de façon elliptique, les limites du puissant sentiment humaniste : "Même en Arcadie, moi, la mort, j'existe". C'est-à-dire, même l'évasion dans le monde pastoral et idyllique de l'Arcadie ne protège pas de la mort.
Cette expression est en général inscrite sur une pierre funéraire monumentale, dans un paysage rural dans la plupart de tableaux de cette époque.

La première représentation du thème par Guerchin (Galleria Corsini, Rome) montre deux bergers surpris de trouver un crâne - type même du memento mori - sur une pierre sur laquelle est écrit "Et in Arcadia ego".

Dans la version de Poussin, tous les effets de surprise ont été supprimés. Au lieu de cela, les bergers semblent contempler le tombeau. Ils déchiffrent l'inscription d'un air de curiosité mélancolique. Le crâne a disparu. Les mots semblent désigner une personne, peut-être une bergère qui est ici ensevelie : "Moi aussi, j'ai vécu en Arcadie". C'est une modification notable par rapport à la traduction latine.
L'artiste ne se disperse pas en racontant une histoire et se concentre sur cette scène totalement statique. Aucune séduction non plus dans la texture de la matière ou des couleurs. Les tons sont durs et froids, et les personnages ont des poses sculpturales.



Nicolas Poussin - Et in Arcadia ego (deuxième version) 1637-1638

L’origine des BERGERS D’ARCADIE, au sous-titre significatif « la Félicité sujette à la mort », est confuse ; si certains la présument vers 1629, H. LEMONIER, lui, attribue la création du tableau entre 1638 et 1639.

L’Arcadie, dans la mythologie grecque, peut être considérée comme l’équivalent de l’île d’Avalon, et même de l’autre Monde celtique, celui des tertres souterrains où vivent les dieux et les héros de l’ancien temps.
De plus, on sait que Nicolas Poussin était très attiré par les doctrines hermétistes et qu’il fréquentait des gens connus pour leur appartenance à des  « confréries » plus ou moins secrètes.


  « J’ai rendu à M. Poussin la lettre que vous luy faites l’honneur de luy escrire ; il en a témoigné toute la joie imaginable. Vous ne scauriez croire, Monsieur, ni les peines qu’il prend pour vostre service, ni l’affection avec laquelle il les prend, ni le mérite et la probité qu’il apporte en toutes choses. Luy et moy nous avons projetté de certaines choses dont je pourray vous entretenir à fond dans peu, qui vous donneront par M. Poussin les avantages (si vous ne les voulez pas méspriser) que les roys auroient grande peine à tirer de luy, et qu’après luy peut-estre personne au monde ne recouvrera jamais dans les siècles advenir ; et, ce qui plus est, cela seroit sans beaucoup de dépenses et pourroit mesme tourner à profit, et ce sont choses si fort à rechercher que quoy que ce soit sur la terre maintenant ne peut avoir une meilleure fortune ni peut-estre esgalle. Comme en luy rendant vostre lettre je ne le vis qu’au moment en passant, j’oubliay de luy dire que vous ferez retirer son brevet renouvelé en termes honorables... »

Lettre de Louis Fouquet à Nicolas Fouquet le 17 avril 1656

Nicolas Poussin s’était choisi un sceau plutôt curieux : il représentait un homme tenant une nef ou une arche, avec la devise « tenet confidentiam » qui peut se traduire par « il détient le secret ».

Et que penser de l’ouvrage posthume de Maurice Barrès, le Mystère en pleine lumière, qui regroupe plusieurs études sur les peintres, et dans lequel il se livre à d’étranges considérations ? Barrès laisse entendre que de nombreux peintres appartenaient à des confréries initiatiques, plus particulièrement à une mystérieuse « Société Angélique ». Il le suggère à propos de Delacroix, s’intéressant tout particulièrement à « l’aspect angélique de son œuvre ».

Il se fait plus précis en ce qui concerne Claude Gellée, dit le Lorrain, à propos duquel il dit : « On sent bien qu’il n’est pas né tout d’un coup, qu’il a été préparé. » Cela signifie que Claude Gellée faisait partie d’un groupe spiritualiste qui lui dictait certaines de ses inspirations. Et Barrès ajoute
 « Si l’on veut connaître Gellée, il faut le dessin de Sandrart où il se présente dans la plus digne compagnie auprès de son ami Poussin. » Faut-il en conclure que Nicolas Poussin appartenait à la même « confrérie ?» Toujours à propos de Claude le Lorrain, qu’il met en parallèle avec Poussin, Barrès dit encore « Il n’est rien si les Anges ne lui tiennent pas la main, s’il n’est pas dans la société céleste, s’il s’écarte de ce qui l’enchante, le soutient et le soulève. Il sait son poème et hors de cela ne sait rien. » On ne peut être plus clair à propos de l’existence d’une « Société Angélique» à laquelle appartiennent la plupart des peintres (et aussi des écrivains) de toute époque. Mais il y a encore mieux, car Barrès dévoile franchement le mot de passe : « Il faut toujours que nous ménagions dans quelque coin de notre œuvre une pierre tombale avec l’inscription fameuse : et in Arcadia ego. »

Et si l’on voulait douter de l’existence de cette « Société Angélique » dont le signe de ralliement ou de reconnaissance paraît être la formule inscrite sur le tombeau peint par Poussin, on devrait lire une lettre de George Sand à Gustave Flaubert, datée du 17 décembre 1866. Voici en effet ce qu’écrit la « bonne dame de Nohant » : « Dans tous les cas, aujourd’hui, je ne suis bonne qu’à rédiger mon épitaphe! Et in Arcadia ego, vous savez. »
 Le vous savez  en dit d’ailleurs davantage que n’importe quel discours. Avant d’être la « bonne dame de Nohant », George Sand a participé à tous les mouvements d’inspiration utopiste et sait fort bien à quoi s’en tenir sur certaines « confréries » plus ou moins héritières des « Illuminés de Bavière» et des « ordres » clandestins du Moyen Age. Avant d’écrire la Mare au Diable, elle a écrit un roman dont le titre est Consuelo et dans lequel elle fait quelques révélations sur une mystérieuse confrérie qu’elle appelle la «Secte des Invisibles ».

Voici ce qu’elle écrit à propos de ces Invisibles: « Ils sont les instigateurs de toutes les révolutions : ils vont dans les cours, dirigent toutes les affaires, décident la guerre ou la paix, rachètent les malheureux, punissent les scélérats, font trembler les rois sur leurs trônes. »

On ne peut que songer à Nicolas Foucquet qui, lui aussi, a fait trembler Louis XIV sur son trône avant de succomber, probablement parce qu’il avait trahi la « confrérie » à laquelle il appartenait. On ne pardonne pas les trahisons dans ce genre d’associations. Car ces Invisibles sont toujours présents là où il le faut : « On ne sait pas s’ils demeurent quelque part, mais il y en a partout...

En savoir plus : http://les-archives-du-savoir-perdu.webnode.fr/news/fable-autour-dune-toile/




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