vendredi 15 janvier 2010

Morceaux choisis - Christiane Singer




La vie est l’art de la métamorphose

 

De notre conception à notre mort, la vie est conçue comme un chemin d’initiation, un cycle d’expériences successives. La roue qui va tourner son grand tour est à chaque point où son cercle ferré touche le sol à son point de départ. Chaque instant est le début, chaque nouveau jour, chaque nouveau livre, chaque nouvelle rencontre. A chaque moment nous commençons de neuf.
La nature du temps de la vie est à la fois diachronie –évolution, déroulement – et synchronie : tout a lieu simultanément.
….
Refuser de mûrir, refuser de vieillir, c’est refuser de s’humaniser. L’humanisation passe par le relâchement du masque, par son amollissement. Refuser de mûrir, c’est en somme refuser de devenir humain. Nous nous transformons alors en ces concrétions pierreuses, en ces calculs qui bloquent nos reins, qui bloquent le passage au flux de l’être, en ces statues liftées au seuil de la vieillesse.

Retenir le flux de l’existence, c’est oublier que la vie est l’art de la métamorphose. La femme que je suis a déjà enterré un enfant, l’enfant qu’elle a été ; joyeux, il chantait et dansait ; puis une adolescente embarrassée de ses jambes. J’ai enterré aussi une jeune femme, une jeune mère. J’ai enterré une femme mûre. Je viens même d’enterrer la femme féconde que j’étais ; c’est-à-dire que je suis entrée dans ma seconde fécondité. Et j’enterrerai cette femme mûrissante que je suis en devenant la femme vieille qui est en moi ; puis la très vieille femme ; puis la morte et celle qui fera le passage vers l’autre rive.

Ainsi, chaque fois que j’ai quitté un espace, je suis entrée dans un autre. Ce n’est pas facile.

D’un pays à l’autre, d’un espace à l’autre, il y a le passage par la mort. Je quitte ce que je connaissais et je ne sais pas où je vais. Je ne sais pas où j’entre.
Traiter ce passage comme s’il allait de soi ?
Bien sûr que non : ce serait légèreté.
Mais, puisque plusieurs fois déjà j’ai fait l’expérience qu’en quittant un « pays » j’entrais dans un autre d’une égale richesse sinon d’une plus grande richesse, pourquoi donc hésiterais-je devant la vieillesse ? Quelque chose en moi me dit :

« Fais de même, fais confiance ; tu entres dans un autre espace de richesse.
La vie est une école de métamorphose.
Fais confiance à la métamorphose. »

Extrait de
« Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ? »
de Christiane Singer

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